lundi 27 juin 2011

Chimie et société : des difficultés chroniques

Entre le début de l’année 2008 et juin 2011, l’Actualité Chimique a proposé une chronique sur la communication de la chimie intitulée « Parlez-vous chimie ? ». Par là, nous avons voulu initier une réflexion profonde, impudique et sans tabous, autocritique et volontairement dérangeante, mais toujours bienveillante, pour sortir la chimie de l’impasse communicationnelle dans laquelle elle se trouve depuis trop longtemps, pour rechercher des solutions hors des sentiers devenus des autoroutes à force d’être (re)battus, et contribuer à fonder le futur d’une chimie en société. Le présent blog retrace les contenus et les évolutions de cette chronique.

Né dans une famille de chimistes, élevé entre une usine du groupe Rohm and Haas et les salles de TP d’un lycée strasbourgeois, orienté vers la chimie par les Olympiades du même nom, puis vers son enseignement par l’agrégation, c’est véritablement par passion pour cette discipline que j’ai commencé à m’intéresser aux rapports qu’elle entretient avec la société. D’abord convaincu par les analyses que j’entendais mes collègues faire de ces relations, c’est pourtant à la fois ma pratique de la médiation scientifique et la fréquentation des sciences humaines et sociales qui m’ont rendu de plus en plus circonspect quant à la pertinence des arguments et des slogans tels que « tout est chimique », « on ne va tout de même pas recommencer à s’éclairer à la bougie », « il faut séparer la science de ses applications », « imaginez un monde sans chimie », « le principe de précaution est un frein au progrès », « il faut redorer le blason de la chimie », « la chimie n’a pas voix au chapitre dans les médias », et j’en passe.

Non pas que ces affirmations soient totalement dénuées de fondement ou de signification, mais il y a bien longtemps que je me suis convaincu (et je suis loin d’être le seul à l’être) que, parce que trop simplistes, elles ne constituaient pas les bonnes réponses aux problèmes relationnels qu’entretient la chimie avec la société civile, les responsables politiques, les ONG et les médias. Pourquoi ? Parce que pour comprendre ces relations, il est nécessaire de ne pas se contenter de les observer depuis « l’intérieur » de la chimie. Parce qu’il est nécessaire de comprendre non seulement la chimie, mais également la société, ses évolutions et les questions de communication.

En un siècle, la chimie a contribué (peut-être plus que toute autre science) à transformer le monde dans lequel nous vivons, avec des bénéfices immenses et quelques effets secondaires regrettables. Parallèlement, la société a évolué dans ses valeurs et ses besoins, les deux évolutions se faisant parfois dans des directions contraires. Ainsi, alors que la science modifiait de plus en plus les contours de concepts porteurs de valeurs fortes tels que le corps, le vivant, la nature (une plante OGM est-elle « naturelle » ?), la société plébiscitait un « retour au naturel » après un engouement sans précédent pour les plastiques ou les intrants agricoles au milieu du siècle dernier [1].

Par ailleurs, ce sont les relations que nous entretenons désormais avec le pouvoir et les prises de décision qui évoluent, les citoyens n’accordant plus leur confiance à ses anciens représentants légitimes, comme en atteste le sondage ci-dessous (cliquer pour agrandir).

Je ne suis bien entendu pas responsable de ces évolutions, qu’il m’arrive même souvent de déplorer lorsque j’ai l’impression que nos concitoyens se fient moins à ceux qui ont des arguments concrets et robustes à proposer qu’aux charlatans et aux idéologues. Mais je me serais senti responsable si je n’avais pas essayé de rechercher et de proposer des solutions pour adapter la communication de la chimie à ces évolutions et à ces exigences démocratiques nouvelles de nos pays occidentaux.

Ce sont ces impressions et convictions que j’ai voulu partager avec vous depuis 2008, lecteurs et lectrices de l’Actualité Chimique, à travers cette chronique et ce blog. Une chronique écrite « entre nous », où ont été émises des idées parfois encore un peu incertaines, testées des pistes nouvelles, soumises à vos réflexions et vos propres pratiques. Je remercie d’ailleurs très sincèrement ceux-celles de nos lecteurs-trices qui, pendant trois ans, ont pris la peine de me faire part de leur approbation, de leurs désaccords ou de leurs critiques constructives.

L’objectif de cette chronique était de rechercher ensemble de nouvelles voies d’entente et une meilleure compréhension de la place que pourrait avoir à l’avenir la chimie dans la marche du monde ; j'espère avoir le temps à l'avenir de continuer à relever le défi et de pousuivre le débat de manière constructive.

____
[1] Meikle J.L., American Plastic. A Cultural History, Rutgers University Press, New Brunswick, 1995, cité par B. Bensaude-Vincent.

Libellés : , ,

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Bonjour. Faites-nous part de vos commentaires. Ces derniers seront modérés, puis publiés. Les meilleurs d'entre eux pourront faire l'objet d'une parution dans l'Actualité Chimique.

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil