vendredi 30 janvier 2009

Chimie et pollution chimique

Depuis plusieurs mois, nous essayons de montrer que les problèmes de communication qui se cristallisent autour de l’emploi du terme « chimique » sont essentiellement dus aux différences de perception qu’ont de cet adjectif les chimistes et les non-chimistes, ces perceptions se référant aux trois types de conceptions décrits dans le billet intitulé Des différentes façons d'être chimique.
Dans le billet du mois dernier, nous décrivions par exemple les problèmes de compréhension qui pouvaient résulter de l’emploi dans ses sens 2 ou 3 (conceptualisé par la chimie ou relevant de son domaine d’étude) de l’expression "produit chimique" par les chimistes, alors que les non-chimistes perçoivent généralement cette expression dans son sens 1 (synthétisé par la chimie) [i].
A l’inverse, à cause de la position défensive adoptée par les chimistes, ce sont eux qui parfois commettent l’erreur de ne percevoir l’adjectif "chimique" que dans son sens 1, quant il est employé par les non-chimistes dans ses sens 2 ou 3. C’est le cas de la "pollution chimique".

Lorsqu’il est nécessaire de distinguer différents types de pollutions (et nous parlons ici bien de types, et non de sources), une approche intuitive consiste à les séparer selon les grandes classes de savoir qui permettent de les décrire. Ainsi la pollution bactérienne d’une rivière sera dite "biologique" (que l’origine en soit anthropique ou naturelle) et les interférences produites sur les appareils électroniques par les éruptions solaires seront identifiées à de la pollution "électromagnétique". De la même manière, l’effet de serre additionnel issu de la transformation du CO2 en méthane par les élevages bovins ou les rizières sera qualifié de pollution "chimique", dans les sens 2 et 3 du terme.
Impossible de s’en plaindre, puisque les chimistes eux-mêmes répètent à l’envie que "tout est chimique". Et pourtant dans ces cas-là, combien de fois la corde sensible du chimiste soucieux de l’image de sa discipline ne vibre-t-elle pas, par crainte que cette pollution soit soudain attribuée à la chimie et à son industrie ?

C’est ce qui arrive aux auteurs de l’ouvrage Tout est chimie ! que nous avons commencé à étudier le mois dernier [ii], lorsqu’ils font dire à Tante Julie (page 48) : "[…] ce n’est pas la chimie qui est à la base de toutes les pollutions que nous voyons à la télé. C’est plutôt la façon dont nous vivons au quotidien qui est la cause de ces désastres […]" (figure ci-contre).
Ainsi donc, et pour résumer la problématique générale développée dans nos dernières chroniques, les chimistes utilisent l’adjectif chimique pour apposer leur marque sur des catégories du monde (au sens 2 et 3, comme dans le cas des "produits chimiques naturels"), mais lorsque ce sont les non-chimistes qui l’emploient dans les sens 2 et 3 (l’exemple de la "pollution chimique" étant particulièrement significatif), ils l’entendent au sens 1 et s’en offusquent.

Figure 1 : Tout est chimie ! La pollution chimique représentée dans le sens 1 de l’usage du terme « chimique » pour pouvoir mieux le dénoncer ensuite.

Comment se dégager de cette difficulté ? En prenant la peine de clarifier les différents sens du terme "chimique" d’une part, en l’employant avec précaution d’autre part, et en substituant certaines expressions équivoques par d’autres. C’est ce qui fera l’objet de notre prochain billet.

[i] Voir la démonstration dans le billet du 31 janvier.
[ii] Joussot-Dubien, C. Rabbe, C. Tout est chimie ! Les minipommes, éditions du Pommier, Paris, 2006.

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