mardi 25 mars 2008

Ce qui est chimique pour les uns...

Dans notre précédente chronique (ci-dessous), nous évoquions le sens dont est chargée l'expression produit chimique dans le langage courant. Nous montrions notamment que le produit chimique, en tant que substance littéralement « produite pour faire de la chimie », était essentiellement considéré comme à la fois synthétique et réactif, et donc non-naturel et potentiellement dangereux.

Pour les chimistes, comme nous le verrons dans une chronique ultérieure, le sens de l'adjectif chimique dépasse largement cette conception commune ; « La photosynthèse, c'est de la chimie », nous risquons-nous souvent à revendiquer. Or cette différence de conception entre spécialistes et non-spécialistes n'est pas sans poser de réels problèmes de communication. Cela nous amène dès aujourd'hui à nous intéresser plus finement à la question de ce qui est (ou non) chimique, et des différents sens de cet adjectif.

Attardons-nous donc encore un peu sur la perception publique commune du « chimique » et conservons pour plus tard l'étude de la conception que s'en font de leur côté les chimistes spécialistes. Une recherche des occurrences du mot chimique sur les sites non-scientifiques de la toile montre certes qu'il est souvent employé dans un sens défavorable : « Savons 100 % naturels, sans colorant chimique ni conservateur ! », se félicite tel fabriquant ; « Pollution chimique : 3 millions de morts chaque année ! », alerte tel guide santé …

La chronique précédente et les suivantes nous permettront de commencer à en comprendre les raisons. Mais n'existe-t-il par ailleurs aucune occurrence courante (non scientifique ou technique [i]) du mot chimique qui véhicule une acception, sinon un peu positive, au moins admise ?

Nous laissons le lecteur y réfléchir quelques instants avant de le laisser lire la suite...
Figure 1 : Sac de caisse distribué par une chaîne de supermarchés suisse promouvant le label « biologique » Naturaplan.

Difficile, n'est-ce pas ? Pour commencer, la levure chimique est encore et toujours vendue sous ce vocable sur les étals des supermarchés français. Les Suisses, quant à eux, n'hésitent pas à porter leur linge « au chimique », c'est-à-dire dans les boutiques de nettoyage à sec dont les enseignes indiquent sans vergogne « Nettoyage chimique ». Ce deuxième exemple est plus compréhensible que le premier : le terme chimique y véhicule essentiellement une idée d'efficacité [ii]. La levure parviendra-t-elle en revanche conserver son adjectif très longtemps ? Elle aussi ne doit probablement son sursis qu'à son efficacité et à sa facilité d'utilisation, comparées à celles de la véritable levure de boulanger : en tant qu'additif alimentaire, peut-être devra-t-elle un jour s'ajuster au renforcement des valeurs naturalistes de notre société et être rebaptisée en levure carbonatée ou en poudre à pâte, comme la nomment les Québécois.

Dans un registre un peu différent et de manière étonnante, on trouve souvent une connotation positive, certes paradoxale, dans l'usage d'un autre adjectif : alchimique. En tant que métaphore de relations amoureuses ou professionnelles particulièrement réussies, telles que celles qui se développent entre un homme et une femme ou dans un groupe de travail efficace, l'alchimie a parfois même acquis un sens plus favorable que la chimie elle-même, probablement en raison de son caractère métaphysique et magique.

Ce qui est « chimique » n'est donc pas toujours mal perçu, bien que les exemples cités constituent plus des exceptions à la règle que des preuves de son contraire. Comment s'en sortir ? Peut-être en commençant par changer quelques mauvaises habitudes en matière de communication de la chimie.

Nous y reviendrons très bientôt...

Figure 2 :
Poudre à pâte chez les Québécois, poudre à lever.

[i] Nous excluons donc de notre recherche les notions d'élément, de génie, d'énergie ou de communication chimiques.
[ii] Il est bien entendu permis de s'amuser à constater du fait que, par conséquent, le nettoyage à l'eau n'est pas considéré comme chimique, en dépit des hautes technologies mises en œoeuvre dans les produits lessiviels modernes !

Connaissez-vous d'autres expressions courantes faisant intervenir l'adjectif chimique dans un sens non-défavorable ? Proposez-les nous en ligne, en commentaire de cette entrée de blog, en laissant vos coordonnées. Chaque nouvelle proposition sera récompensée !

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4 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

J'ai beau me creuser la tête je ne vois aucune expression populaire favorable à la chimie et je ne suis même pas sure, hélas, que l'alchimie amoureuse ait, dans l'esprit de la plupart, un rapport avec la chimie … sombre tableau !
Donc on va devoir retrousser ses manches et faire en sorte que la chimie et les sciences physiques en général sortent de leur pré carré, bref on va devoir VULGARISER.
Les initiatives de vulgarisation des chercheurs pourraient peut être prises en considération pour le déroulement de leurs carrières ?
Je pense qu'il y a une opportunité en ce moment avec les questions d'écologie , développement durable … qui frappent les esprits. Il faut donc montrer que la science ne peut pas tout ( la science soit disant toute puissante a montré des limites, a déçu et les déçus sont sans pitié ) mais peut aider. Donc que les scientifiques de tout poils investissent journaux , radios …. pour expliquer les recherches et avancées techniques. Je pense qu'il pourrait exister une rubrique " sciences physiques et chimiques" dans des magazines généraux comme Elle, Prima … ( je ne les connais pas beaucoup ) ou des rubriques plus ciblées dans des magazines plus spécialisés ( art, auto … ) …
Facile à dire, certes ! et je ne propose pas pour ce travail, je ne suis plus assez jeune mais j'encourage toutes les initiatives. Faites travailler vos imaginations et on peut avancer à petits pas .… mais avancer quand même !

28 mars 2008 à 02:18  
Anonymous Anonyme a dit...

Le numéro de décembre du magazine "Pour la science" contient un article de trois pages sur les chaufferettes chimiques, qui font la joie du randonneur. Sans doute un bon exemple à ajouter à ta collection...

8 décembre 2008 à 01:14  
Blogger Pierre D a dit...

Que penser du terme "Chimigramme" inventé en 1956 par un photographe belge, Pierre Cordier" pour qualifier des oeuvres picturales d'une grande beauté,réalisées sans appareil photo mais en utilisant du papier photo plus les réactifs habituels (révélateur, fixateur) de manière "anormale". Voir site: www.chimigramme.com/fr

30 décembre 2008 à 09:43  
Blogger Pierre D a dit...

Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

19 janvier 2009 à 13:56  

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